Planifier le temps qui reste
« J’ai l’impression d’avoir réglé une chose de plus, ce qui m’apporte un étrange sentiment de paix. »
« Quand j’ai su la date, j’ai paralysé comme un cerf ébloui. Quoi dire? Quels sujets étaient suffisamment importants pour qu’on s’en parle? Qu’est-ce qui pouvait l’aider? Les silences étaient malaisants et je paniquais devant le temps qui nous filait entre les doigts. »
« Dès que nous avons su la date, nous savions exactement ce que nous voulions faire et comment nous voulions passer notre temps ensemble. Même si c’était difficile, la certitude de la date a fait que nous savions exactement où investir nos énergies. »
Peut-être surveillez-vous l’horloge de près en anticipant la date et l’heure choisies. Vous pourriez aussi ressentir une foule d’émotions contradictoires, comme un sentiment de paix, de crainte ou de perte, la colère, la tristesse, le soulagement et même l’exultation. Peut-être êtes-vous prêt(e) à mourir, ou peut-être que non. Quelles que soient vos émotions, il peut être important d’en parler avec une personne de confiance qui saura vous soutenir.
Dans votre planification du temps qui reste, vous voudrez sans doute vous concentrer sur les personnes et les activités qui comptent le plus pour vous.
Parmi les questions à vous poser :
- Qu’est-ce que je tiens le plus à faire (tâches pratiques, sorties, projets, choses importantes pour moi qui m’apportent du plaisir)?
- Est-ce que je veux passer ce temps avec d’autres ou non? Ou un peu des deux?
- Y a-t-il des personnes avec qui je tiens à passer du temps?
- Est-ce que je veux recevoir d’autres visiteurs?
- Y a-t-il un film que j’aimerais revoir, un livre que j’aimerais relire ou de la musique que j’aimerais écouter?
- Qu’est-ce que je tiens à dire ou redire aux personnes que j’aime? Comment aimerais-je faire mes adieux?
- Ai-je des souvenirs ou des choses à raconter aux personnes qui comptent pour moi (moments forts, réalisations, regrets)?
- Y a-t-il des choses que j’aimerais coucher sur papier ou enregistrer pour les autres? Y a-t-il quelqu’un qui pourrait m’aider à le faire?
- Y a-t-il des choses que j’aimerais donner à certaines personnes de mon vivant?
- Est-ce que ma famille sait quel salon funéraire appeler? Est-elle au courant de mes volontés (crémation ou enterrement, funérailles, hommage ou célébration de la vie, etc.)? Est-ce que je veux participer à la rédaction de ma propre notice nécrologique?
- Qui aimerais-je voir à mon chevet lors de ma mort? Quels sont mes souhaits pour ce jour-là?
- De quoi ai-je besoin et qui pourrait m’aider si j’ai besoin d’aide?
Ce genre de réflexions peut vous aider à consacrer votre temps et votre énergie aux choses qui comptent le plus pour vous.
Essayez de ne pas remettre à plus tard les décisions et conversations difficiles. Aborder les sujets difficiles peut soulager votre anxiété et vous procurer une certaine paix d’esprit. Communiquez avec votre prestataire de soins de santé ou l’équipe d’AMM si vous avez besoin d’aide pour aborder certaines questions ou préoccupations avec vos proches.
Vous vivrez peut-être de grands moments d’amour et de complicité qui alterneront avec un chagrin et une tristesse intenses. Prenez le temps de vous reposer. Traitez-vous et traitez les autres avec la plus grande bienveillance, douceur et patience.
En savoir plus
Souvent, à l’approche de la mort de quelqu’un, des visiteurs tiennent à venir faire leurs adieux. Leur compagnie et leur soutien peuvent être bien reçus par la personne et sa famille. À d’autres moments, ils peuvent représenter un fardeau épuisant pour la personne et une source de stress additionnel pour elle et ceux qui doivent gérer les visiteurs.
Il est important, pour vous et votre famille, d’être conscients de vos limites. Vous pourriez limiter la durée des visites à 10 ou 15 minutes. Il est acceptable de dire aux autres que vous n’êtes pas assez en forme pour les recevoir. Si certains sont blessés, essayez de leur faire comprendre que ce n’est pas parce qu’ils ne comptent pas pour vous, mais bien parce que vous êtes trop faible et malade. Vous ou votre famille pourriez leur suggérer d’écrire ou d’enregistrer un message audio ou vidéo à la place.
« Maman a fixé la date quatre semaines avant sa mort. C’était moi son “garde-barrière” : je m’occupais de gérer les nombreuses personnes qui voulaient lui rendre une dernière visite et de communiquer les nouvelles. J’avais l’impression d’être un oiseau de malheur. J’avais aussi le fardeau de consoler les autres. Ceux qui faisaient tout un plat de leur visite me fâchaient et me frustraient, ce qui ne faisait que m’épuiser et intensifier mon tourbillon d’émotions. Ce fut une période intense et assez déroutante. Toutefois, le bon côté d’une mort planifiée, c’est qu’on entend toutes sortes de belles choses. »
Dans certains cas, il ne s’écoule que quelques semaines ou moins entre le diagnostic et la mort médicalement assistée. Si vous êtes encore sous le choc du diagnostic au moment où la date de l’AMM est fixée, les choses peuvent vous sembler aller beaucoup trop vite. Il peut être difficile de s’adapter et d’accepter la situation.
« Ça m’a donné la chance de donner toute mon attention à ma mère. Quand on ne sait pas quand un être cher gravement malade va mourir, on s’économise un peu pour pouvoir en donner plus le lendemain. Mais là, nous savions exactement combien de temps il lui restait. »
Pendant cet « entre-deux », les proches peuvent avoir des émotions et réactions similaires à celles de la personne qui reçoit l’AMM, comme surveiller l’horloge et compter les jours sur le calendrier. Vous n’avez peut-être jamais eu autant conscience du temps qui passe.
Vos pensées et émotions dépendent aussi de ce que vous pensez du choix de la personne de recevoir l’AMM. Même si vous croyez que la personne a le droit de prendre ses propres décisions, vous êtes peut-être contre l’AMM.
Quel que soit votre avis sur la question, vous vivez vos derniers jours ou semaines ensemble. Il est temps d’agir pour prévenir les regrets. Prenez le temps de dire à la personne ce qu’elle signifie pour vous, ce qu’elle vous a appris et le souvenir que vous garderez d’elle à jamais. On ne se lasse jamais d’entendre que les gens nous aiment, tiennent à nous et ne nous oublieront pas.
Selon le Dr Ira Byock, renommé spécialiste des soins palliatifs, de la fin de vie et du deuil, les quatre phrases qui comptent le plus dans nos relations sont : « Pardonne-moi », « Je te pardonne », « Merci » et « Je t’aime » [1]. Il indique que tout le monde, qu’on soit en fin de vie ou pas, devrait avoir des conversations profondes avec les autres basées sur ces quatre phrases. Il encourage à « énoncer l’évidence » plutôt qu’à tenir pour acquis que les personnes qu’on aime et auxquelles on tient savent qu’on les aime (et qu’on leur pardonne).
Faire ses adieux n’est pas facile, mais il peut être important de nommer ce qui se passe : vous êtes en train de faire vos adieux.
Chaque famille et chaque relation sont différentes. Certaines personnes n’hésitent pas à exprimer leurs pensées et émotions, alors que d’autres parlent rarement de ce qu’elles ressentent. Dans certaines familles, il existe pratiquement une règle non écrite en vertu de laquelle on ne parle pas de la mort ou de ce qu’on ressent.
En savoir plus
Il pourrait vous être utile de consulter des ressources conçues pour faciliter les conversations sur la mort et la fin de vie, même si elles ne portent pas spécifiquement sur l’AMM. En voici deux du Portail palliatif canadien :
- Que dire à une personne mourante? – Portail palliatif canadien
- Quoi dire? – Portail palliatif canadien
[1] Byock, Ira, The Four Things That Matter Most, Simon and Schuster, 2014. ISBN 978-1-4767-4853-5
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